Le collectif afroféministe Mwasi vous présente son glossaire. Les mots sont importants ; ils draguent des rapports de domination et servent à appréhender le réel, mais indiquent aussi nos objectifs et stratégies politiques. Nous souhaitons rendre ici accessible des concepts que nous utilisons dans le cadre de nos luttes  afin que nos sœurs et frères soient capable de les utiliser, les interroger, les critiquer et les enrichir.

 

Afro : Terme politique désignant une personne Noire. Afro n’est pas le diminutif d’Africain et tous les Africains ne sont pas Afro. Il désigne culturellement les Noir.e.s lorsqu’ils.elles sont minoritaires. On parle alors d’Afro-Américains, Afro-Brésiliens, Afro-Iraniens, Afro-Palestiniens etc.

Afro-descendant.e.s : Personne Noire qui, si elle n’est pas née en Afrique, est lié au continent de part des ancêtres qui y sont nés. Cette condition peut avoir une incidence sur l’apparence physique de la personne, sa socialisation, ses références culturelles etc. Ce terme est à rapprocher de celui de diaspora, définie par J. Harris comme « la dispersion globale, volontaire comme involontaire, des Africains au courant de l’histoire ; l’émergence d’une identité culturelle à l’étranger fondée sur l’origine et la condition sociale ; et le retour psychologique ou physique à la terre natale, l’Afrique ».

Afroféminisme : Mouvement politique et militant visant à combattre à la fois les systèmes d’oppressions et d’exploitation que sont la suprématie blanche, le patriarcat et le capitalisme. S’il est à mettre en lien avec le Blackfeminism (cf définition), ce mouvement tient compte des particularités européennes et des contextes nationaux. Il a été très visibilisé dans les années 2013 via les réseaux sociaux et est aujourd’hui porté en France par des collectifs tels que Mwasi ou Swatche. La première organisation politique et collective de femmes Noires en France est la Coordination des Femmes Noires active à Paris de 1976 à 1982, puis le Mouvement des Femmes Noires de 1978 à 1982 entre autres.

Afropéen.ne : Terme employé notamment par Léonora Miano désignant les Noir.e.s socialisé.e.s en Europe. Il pointe notamment la pluralité culturelle des individus et leur rattachement à des traits culturels français ou européens. Le projet d’archives de Marie-Julie Chalu, Afropea, abonde en ce sens.

Africana womanism : Idéologie créée dans les années 1980 aux Etats-Unis par Cleonora Hudson Weems (professeure d’anglais aux USA) pour répondre à la critique faite au féminisme mainstream, considéré comme un mouvement de femmes blanches. L’Africana Womanism qui concerne autant les femmes d’Afrique que les femmes de la diaspora africaine revendique notamment l’auto-définition, l’afro-centrisme, la sororité, et un recentrement sur la famille et la spiritualité.

Black Feminism : Expression qui englobe la pensée et le mouvement féministe africain-américain né aux Etats-Unis dans les années 1960-1970. Ce courant révolutionnaire parle à partir de l’expérience de femmes noires pour décrire une réalité que le mouvement féministe banc et le mouvement pour les droits civiques n’ont pas pris en compte.

Capitalisme :  Apparu à la fin du XVIIIe siècle en Angleterre, le capitalisme est un système économique et politique qui se caractérise par la propriété privée des moyens de production appartenant à la classe bourgeoise, la massification du salariat rendant les salariées dépendant-e-s du travail  pour leur survie, mais aussi par l’accumulation et la captation inédite des richesses et ressources dans les mains des faible minorité. En plus d’être un système économique de production de richesse, le capitalisme est aussi un système culturel et idéologique.

Cisgenre : terme pour les personnes dont l’identité de genre correspond à leur sexe assigné à la naissance. Par exemple, une personne qui s’identifie comme une femme et qui s’est vue attribuer le sexe femme à la naissance est une femme cisgenre.

Cissexisme : Système de pensées, de comportements et de représentations discriminants les personnes transgenres au profit des personnes cisgenres. Ce système est issu de l’idée que la cissexualité est une identité de genre normale et donc supérieure.

Colorisme : Dérivé et issu du système raciste et esclavagiste, le colorisme est un système de hiérarchisation des individus selon leur couleur de peau au sein d’une même communauté. Les personnes les plus foncées sont ainsi discriminées au profit des personnes plus claires de peau.

Communautarisme : Sentiment d’appartenance qui se traduit par le fait de se réunir ou de vivre entre personnes étant liées par une expérience commune. Néologisme apparu dans les années 1980, en référence aux revendications de certaines minorités d’Amérique du Nord comme par exemple les communautés LGBTQ+, noire, hispanique, juive, etc. Si aux Etats-Unis, le communautarisme est un terme plutôt positif, en France, ce terme possède une connotation péjorative du fait des différents discours et partis politiques qui s’y sont opposés durant les 15 dernières années. En effet le communautarisme / séparatisme est perçu comme une menace à l’unité républicaine dans la mesure où il est investi par des personnes non blanches.

Etudes postcoloniales ou postcoloniales studies : Champ de recherche académique anglophone, notamment en sociologie, en histoire, en anthropologie et en science politique. Les études postcoloniales étudient les mécanismes des systèmes de domination coloniaux et leur héritage dans les structures des sociétés post-coloniales, aussi bien dans les Arts, les discours que dans les domaines économiques, sociaux et politiques. Différentes théories émergent à partir des années 1980 : les Subaltern Studies portées par Spivak, la Créolisation par Glissant ou encore la Colonialité du savoir par Grossfogel, Hall et Gilroy. Les différents inspirateurs des études post-coloniales sont Frantz Fanon avec l’expérience du colonisé ; on peut retrouver chez Fanon, Darrida et Deleuze des concepts qui ont inspiré les études post-coloniales (La déconstruction, l’expérience du colonisé etc.).

Esclavage : Système économique, juridique, politique, et social dans lequel des individus n’ont plus accès à leur statut d’être humain, et ne sont plus propriétaires d’eux-mêmes ni libres. Le plus grand trafic d’être humains concerne la déportation par les Européens d’Africains et d’Africaines principalement vers les Amériques. Du XIVème siècle au XIXème siècle, il faut compter 10 551 347 Africains et Africaines déportés, dont 9 103 221 survivent à 34 026 traversées et réduits en esclavage, sans oublier les millions de personnes tuées sur le continent (source : The Trans-Atlantic Trade Database, 2019). L’esclavage de l’époque moderne est concomittant du système capitaliste puis libéral occidental. Différentes associations militent pour la reconnaissance du travail forcé sur le continent comme de l’esclavage et sa condamnation comme crime contre l’humanité.

Exotisation : Processus par lequel l’Autre issu des “Suds” est représenté comme exotique, inhabituel, et opposé à celui du Nord considéré comme supérieur.  Il provient des périodes esclavagistes et ainsi de la construction d’un imaginaire essentialisant sur les populations minorisées. Il a pu être nourri par différents systèmes de pensées et de connaissance tels que la littérature, la peinture, la production de savoirs . Ce phénomène engendre des projections racistes  sur les personnes racisées. Concernant les femmes Noires, elles sont principalement renvoyées à une condition animale sauvage.

Impérialisme : Stratégie politique de conquête visant la formation d’une domination politique, culturelle, économique, militaire et psychologique. Cette doctrine se donne pour objectif une mission civilisatrice dans le but de construire un Empire.

Intersectionnalité : Terme juridique construit par Kimberlé Crenshaw en 1989 et 1991 aux Etats-Unis afin de porter en justice à la fois des actes de discriminations sexistes et racistes. Ce concept permet d’appréhender comment certaines personnes subissent simultanément plusieurs formes de domination et de discrimination dans une société et un temps donnésD’autres théories se rapprochent du concept d’intersectionnalité : la consubstantialité des rapports sociaux de Kergoat, l’agencement ou assemblage de Jasbir Puar repris à Deleuze et Gattari, l’identification de Hall, la matrice de domination de Hill Collins, co-formation et co-production de Paula Bacchetta, etc. Des débats scientifiques mettent en lumière les enjeux de ce concept : incarne-t-il la domination, les conséquences de la domination, les processus de domination, les dominants…? D’autre part, le terme “intersectionnel”, emprunté par des personnes non-Noires, est souvent utilisé comme un label équivalent des termes “inclusivité” et “diversité”.

Misogynoir :Terme formé à partir des mots grecs (μῖσος) misos : haine, (γυνή) gyné  : femme et du français noir-e. Le terme créé en 2010 par Moya Bailey, chercheuse et militante féministe afro-américaine, décrit une misogynie et une négrophobie dirigées spécifiquement envers les femmes noires. Parfois, cette misogynie créée une opposition binaire avec les femmes blanches (qui représentent la « bonne » féminité quand les femmes noires ne le sont pas) ou avec d’autres femmes racisées, mais seulement dans la mesure où les femmes noires sont les plus avilies. Cette opposition rend invisible la douleur des femmes noires.

Négritude : Mouvement culturel, littéraire, philosophique et politique conceptualisé par Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor ou encore Léon-Gontran Damas à la fin des années 1930. Paulette Nardal, Jeanne Nardal et Suzanne Césaire jouent des rôles centraux dans la création et le développement de ce mouvement. La Négritude vise à la réaffirmation d’une identité Noire en désignant l’ensemble des caractéristiques et valeurs culturelles des peuples noirs, revendiquées comme leurs étant propres. Ce mouvement indique avant tout le rejet de l’assimilation culturelle coloniale.

Négrophobie : Racisme qui vise les personnes Noires.

Négrophilie : Littéralement Amour du Noir, la négrophilie consiste en une fascination excessive des noir.e.s et notamment des cultures qualifiées et/ou revendiquées comme noires. Cette attitude essentialise les personnes noires et constitue une autre face  de la négrophobie.

Néo-colonialisme : Terme utilisé pour dénoncer une politique de domination menée par une ancienne puissance coloniale vis-à-vis de son ancienne colonie, mais aussi et surtout pour marquer le continuum de cette domination malgré une situation dite “décolonisée”

Oppression : Si historiquement c’est le fait pour un peuple ou une population d’être soumis.e à l’autorité d’un pouvoir tyrannique, sociologiquement il s’agit du mauvais traitement ou la discrimination systématique d’un groupe sociale par un autre.

Panafricanisme : Mouvement politique visant à l’indépendance économique et politique de l’Afrique et à la libération de ses habitant.e.s, ainsi qu’à la solidarité entre Africain.e.s et membre de la diaspora, liés par une histoire commune. D’un point de vue politique, il cherche l’union des pays africains au sein d’organisations politiques, ce qui est aujourd’hui le cas de l’Union Africaine. C’est au début du XXème siècle, en réaction à la fin du système esclavagiste que né le mouvement, notamment lors de la Première Conférence Panafricaine de 1900 et par l’intermédiaire de penseurs tels que W.E.B Du Bois et Benito Sylvain

Patriarcat : Système politique d’organisation sociale, économique et familiale qui se définit par une domination du masculin sur le féminin. Dans cet agencement, l’homme apparaît comme naturellement supérieur et universel.

Race : La race en termes biologiques n’existe pas. Cependant, le racisme projette des conséquences discriminantes et fait qu’elle existe en tant que construction sociale. Elle reste donc un outil d’analyse permettant de mettre à jour les processus par lesquels une personne est discriminée en fonction de sa couleur de peau et de son appartenance (réelle ou supposée) à un groupe ethnique et géographique

Racisé.e.s : Une personne racisée est une personne qui, par un processus de racialisation négative, est considérée et/ou représentée comme non-blanche et peut ainsi subir du racisme.

Racisme : Hiérarchisation des individus par d’autres individus en fonction de leur couleur de peau ou de leur ethnicité, réelle ou supposée. Par un processus de racialisation et donc d’altérisation, les personnes non-blanches sont considérées comme inférieures et l’Autre. Cela a principalement des conséquences matérielles (accès à l’emploi et au logement digne, survie face aux institutions, illégalité identitaire, etc) et psychologiques (dignité, maladies mentales, assimilation, dédoublement, etc).

Justice réparatrice : Modèle de justice alternative à la justice punitive et répressive institutionnelle actuelle. La justice réparatrice peut prendre plusieurs formes mais elle réunit généralement plusieurs critères : meilleure prise en compte des paroles de victimes avec la possibilité pour elleux de décider de la réparation qu’elleux veulent, prise en charge possible de l’agresseur.euse afin d’éviter la stigmatisation et l’exclusion sociale ainsi que la récidive. La justice réparatrice s’inspire généralement des formes de justices des peuples natifs.

Universalisme : Concept philosophique européen datant du XVIIIème siècle et défendant l’idée d’une valeur humaine universelle. Les Hommes disposerait de la Raison et du langage, qui leur permettrait de former un système politique et social cohérent. Ce concept a été forgé à partir de l’expérience de l’homme blanc européen et érigé en projet politique ayant pour conséquence un aveuglement aux réalités racistes que subissent les populations racisées en France.

Queer : Mot anglais qui signifie “étrange”, “bizarre”, “tordu”. Longtemps utilisé comme insulte envers les minorités d’orientation  et de genre, il s’oppose au mot “straight” (droit) qui désigne les personnes cisgenres et hétérosexuel.le.s. Ce n’est qu’au début des années 1990 que des militant.e.s états-uniens se réapproprient le stigmate en se désignant elleux-mêmes comme “queer”, lui donnant ainsi une connotation positive. Pourtant, depuis le début du XXIème siècle et surtout depuis les années 2010 en Europe en général et en France en particulier, le terme queer est de plus en plus accaparé par des personnes non hétérosexuelles et trans* (non-binaire, a-genre, genderfluid, bi-genre, etc.) non hormonées dans un parcous de transition sociale. Il vient donc supplanter le terme politique Trans*-Pédés-Guines (TPG), et exclut de facto les réalités matérielles des personnes trans* hormonées. D’autre part, nous pouvons constater cette même dernière décennie l’apparition d’une communauté se disant “queer racisées” ou “queer & trans* of colour”. Ces personnes profitent d’une redéfinition des enjeux pour créer une communauté sur des bases identitaires et politiques proches des Trans*-Pédés-Guines généralement majoritairement blancs.

Transgenre : Personne dont le genre n’est pas en adéquation avec le sexe assigné à la naissance.

Travail du sexe (TDS) : Terme désignant l’échange de services sexuels, dont des relations sexuelles, entre adultes consentants contre une rémunération, selon des conditions convenues entre le vendeur et l’acheteur.